Inde du Nord, 2e partie; O-vert-dose

Pause dejeuner dans un thé shop

Pause dejeuner dans un thé shop 

Le Pong gong lake à moto

Je loue de nouveau une Royal Enfeld et pars seul cette fois pour trois jours de route vers le Pong Gong Tso (lac), le plus grand du Ladakh, à environ 160 km de Leh.

La route serra « moins difficile » que sur la Nubra, le col à franchir (Le Chang la) n’est qu’à 5300 mètres (soit le troisième carrossable le plus haut du monde). Donc, ni neige ni glace cette fois ci, mais de nouveau, après les interminables lacets bitumés, lorsque la route devient piste; Une soupe d’ornières, trous, flaques, pierres.

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Les difficultés sont ici les innombrables passages de gués absents sur la Nubra. Mes pieds sont trempés et malgré le vent n’ont jamais le temps de sécher que je suis de nouveau à l’eau. Aucun passage ne se ressemble. Parfois je m’arrête pour chercher à l’œil la bonne ligne avant de m’engager, parfois, surpris ou simplement lassé, je tente le coup directement tout doucement puis mettant les gaz à fond pour ne pas risquer de caler et garder de la puissance si une de mes roues s’échappe. Il m’arrive de traverser une rivière peu profonde large de 20 mètres les pieds sur les pierres pour garder l’équilibre comme de m’enfoncer dans un trou jusqu’aux cuisses pour en ressortir fulminant de surprise comme mon moteur toussoteux. En descente, je constate qu’après chaque passage de rivière où je me suis enfoncé, les freins fonctionnent mal. Je ferai donc plusieurs pauses d’une demi-heure pour attendre que nous séchions au soleil.

Je chuterai qu’une seule fois à l’aller et me ferai mal au dos en relevant cette bécane géniale mais extrêmement lourde.
Arrivé au col, j’avale une soupe Maggi (soupe de patte sans goût) et je décolle.
La route est tellement fantastique que je profite d’être seul pour m’arrêter toutes les 5 minutes. Ces temps de contemplations immobile se révèle en fait indispensable pour me permettre d’intégrer, d’introjecter ce que je vois, ce que je vie ; Contrairement à la randonnée, la vitesse comme la concentration ne me permette pas de me sentir complètement là ; Mon corps semble volé dans un état d’irréalité.

Etant donné la difficulté de la route et le nombre de guet à franchir, je ne prendrai presque aucune photo de la route à proximité du col Chang la.

En fin d’après-midi, fourbu et courbaturé de bonheur, j’aperçois enfin au loin cette vision de montagnes roussies par le soleil dominées de pics enneigés enserrant un lac d’un bleu profond et parfois turquoise (ce lac est alimenté par la fameuse rivière Nubra).

Le long du lac, la piste est toujours aussi caillouteuse et douloureuse pour le dos, mais elle a le mérite de décourager les quelques touristes indiens arrêtés au premier « village ». Je roule donc seul à la recherche d’un bon spot pour poser ma tente, quand, au passage d’un gués, qui n’a pourtant pas l’air bien impressionnant, ma moto s’enlise dans cette soupe de sable et d’eau boueuse. Apres quelques tentatives, je l’abandonne aux eaux et pars chercher de l’aide. Je sais d’après ma carte que le prochain village n’est pas très loin et j’y arriverais après un kilomètre. À quatre, la bécane est vite sortie du pétrin mais il fait maintenant presque nuit. Je la passerai donc ici. Au village, j’aurai droit à une soupe Maggi pour compléter mon dîner.


Une journée à rouler le long du lac jusqu’à ce qu’un champs de boue m’interdise d’aller plus loin; La lecture de -Quel beau dimanche- Semprun, sur une plage protégé du vent, ses descriptions des yeux bleu clair fou des russes de Buchenwald, et le bleu rêveur du lac, un grand livre dans les grands espaces.
Je voudrais partager ce moment avec une femme, la puissance érotique du lieu ne s’accommode guère à ma solitude; Les dernières que j’ai connues défilent dans mon esprit. Je les imagine là, allongées près de moi sur la fraîcheur des cailloux roulant sous les légères vagues au rythme d’une caresse, le haut des cuisses brillant au soleil. Mon prochain voyage serra avec une.


Après une fraîche nuit dans les dunes, je décolle a 6h du mat pour retourner à Leh. Contrairement à l’aller, c’est un jour chaud, la neige va donc fondre plus abondamment rendant les passages de rivières difficiles voir impraticables. La veille, j’avais rencontré deux motards ayant fait demi tour devant un gués infranchissable. D’après eux, certaine Royal Enfield serraient emportées par le courant dans le précipice. J’arriverai au col vers 11h complètement transi; Arrivé trop vite dans un gués, je me suis éclaboussé bêtement et mes mains sous mes gants trempés sont gelées. La soupe Maggi, toujours aussi bonne, me réchauffe un peu. Finalement, il est encore assez tôt et les passages sont praticables; Je ne ferrai appel qu’une fois à l’aide d’ouvriers sur la route pour me sortir d’une mauvaise passe.
Comme je suis parti tôt, j’en profite pour visiter quelques monastères autour de la capitale. J’arrive vers 16h à Stok, village où se trouve le palais du roi. Ma gueule est aussi délavée que mes chaussures flasqueuses et j’ai très faim. Pas de restau dans ce bled, je m’adresse donc à la cafète du palais; il est trop tard pour préparer quelque chose, mais on peut me servir une soupe Maggi !Youppiiii!


Le Zanskar

Oh Zanskar, Zanskar mon amour,
Le plus beau est-il le plus dur, ou l’inverse ?
Que me reste-t- il de souvenirs ou de sensations, à la force du présent, l’écriture échappe.
Inconfortablement compressés dans le bus avec Sébastien, mon camarade Québécois, nous roulons vers Fanjila, porte d’entrée de ce Zanskar que j’aurai bien cru ne jamais voir. Après une crevaison et les 5 minutes indiennes de réparation (soit 1h30), nous pénétrons dans des gorges escarpées jusqu’à Hannupatta. Première étape et aperçu de la misère des lieux, le Zanskar est loin de tout ; comment des hommes ont-ils pu y trouver refuge ?

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Si ce trek est de plus en plus parcouru, la plupart s’y aventurent avec une agence, dormant donc en tente à l’extérieur des villages. Ceux-ci semblent moins habitués qu’au Ladakh à la présence de trekkeurs, se montrant plus sauvages, plus distants, l’anglais précaire ou inexistant. Et cette constatation se confirmant au fil des jours et des nuits en homestay : Rien ne pousse dans ce désert, et les Zanskari n’ont pas grand chose à bouffer. Que ce soit chez l’habitant ou en thé shop lors de nos quatre nuits en tente, le menu sera toujours le même, seulement agrémenté des quelques légumes et yak cheese emmené en prévision; Riz green vegetable que nous nommerons riz pissenlits, soit une sorte d’herbe séchés que l’on fait bouillir. Parfois du riz avec un peu de bouilli de dal (lentille), thé au beurre de yak, parfois un peu de tchang ou d’arach (eau de vie locale) et tsampa au petit-déjeuner (farine que l’on trempe dans l’eau ou le thé que l’on avale après en avoir fait une boule dans la main, ça n’a aucun goût mais parait-il bourré d’énergie). Bref, entre deux silences méditatifs, notre marche sera presque exclusivement égaillée des repas gargantuesques que nous nous cuisinerons de retour dans nos pays respectifs.

Marcher seul mais à deux, nous nous sommes rencontrés trois jours avant de partir, nous découvrant mutuellement au fil des jours ; Nous n’avons besoin que de peu de mots, les gourdes qui se tendent face aux corps tendus, les encouragements résonnant en écho au dehors comme au dedans, solidarité montagnarde, penser à soi c’est penser à deux, délitement du « je » dans le « nous », merci camarade étranger de donner sens à la fraternité.

Deux jours de marche et l’attaque du premier col raide, le Sirsir la. Entrée en matière en forme d’avertissement, toi qui entre en cette terre grandiose de pics escarpés aux dents acérées, serre les.

 


Je manque clairement de souffle, souvenir d’une partie de mes poumons brûlés sur le Tso Moriri; Mon épaule gauche souffre, rappel de cette déchirure contractée sur un mur d’escalade un an auparavant. Nous suivons donc notre plan initial, et à Photoksar, village battit comme une ruche agglutinée à flan de falaise, nous louons les services d’un donki man et de ses deux mules.

Le lendemain, en arrivant au camp de base du Sengge la, le plus haut col de notre expédition (seulement 5000 mètres), après quelques litrons de tchang et de rhum, celui ci nous déclare que son fils est malade et qu’il doit rentrer a Leh ! Nous négocions avec le horse man d’un groupe de trois trekkeurs qui effectuent le même trajet que nous avec agence, et effectuerons les quatre jours suivants sans sacs sur le dos.

A chaque jour son col, tête raide comme les murs sans fin que l’on grimpe sans relâche jusqu’à l’autre face ; A genoux, porter le regard, vertigineuse plongée dans ces profondes vallées, ouvertes et déchirées comme un ventre après une bataille, la neige jamais loin coiffant les sommets, la vue ne suffit pas à saisir l’incroyable beauté de cette terre en lambeau; Je vis un rêve en forme de conclusion. L’autre face donc, je ne connais pas encore la limite même si je la devine ; Ici, c’est elle qui m’a trouvé. L’altitude épuise et fait fondre, je n’ai plus d’énergie; Gonflé de liberté et lesté d’environ 15 kilos, je sais que j’accomplis ici mon dernier chemin sur cette terre sacrée pressentie il y a deux mois et demis. Reste le vécu, de l’intérieur de la tête et des tripes, d’une expérience du sacré.

 


Cette perte de force physique n’a rien d’anormal, à vivre la haute montagne comme je l’ai choisie, par moi même, sans le confort d’une agence et de ses cuisiniers, se limitant aux calories de la nourriture locale, soumis aux aléas d’ouverture des thé shop, à la liberté l’Himalaya à un prix.

Nous rencontrons deux jeunes suissesses accompagnées de guide et d’horse man. Je ne sais pas ce que de leur spontanéités ou de leur épaules nues et dorées nous a le plus séduit, mais voilà mon compagnon québécois et moi désireux de les retrouver chaque soir pour partager paroles et thé.

Quatrième jour, nous retrouvons nos « compagnes » de route (tout au moins fantasmé) dans l’enceinte feutrée du petit monastère de Lingshed.

Et comme nous leur proposons de partager notre frugal pain quotidien, leur jeune guide les abandonne à notre compagnie. Bien lui en coûtera ; En quittant le village, nous nous engageons sur le mauvais chemin ; Le col nous faisant face semble correspondre aux traces de notre carte; Seul manque, mais le détail est de taille, les traces de pas et de sabots de mule qui auraient du nous précéder. Nous montons longuement ce col qui dévoile, après chaque petit replat, espéré par nous comme le point sommital, une nouvelle montée. Mon altimètre est tombé en panne de batterie la veille au soir, pour la deuxième fois en six mois, il m’abandonne au moment ou j’en ai réellement besoin. Nous commençons à douter sérieusement quand nous croisons par chance un troupeau de Pachmina (chèvres) et leurs enfants bergers. Demi-tour le long d’une crête à la recherche d’un chemin descendant vers la vallée où se trouve le campement.
Au moins, cette ballade imprévue nous offre un spectacle sublime, les ombres s’allongeant sur les montagnes avec le déclin du jour. À 19H, nous trouvons sa trace, il nous reste 3/4h de soleil. Il s’agit de 300 mètres de descente très raide à flan de vide, sur une trace fine et instable qui s’efface par endroits, le genre de chemin déjà trop de fois empreinté et décris dans mes mails et dont on espère bien qu’il serra le dernier rencontré. Car se dire après coup, ok, j’ai survécu à ça, une seule fois suffit. Descente silencieuse, chacun veillant sur l’autre, j’ouvre la voie et tente de rassurer. Mais que peu l’autre pour ces quatre corps seuls, si l’un glisse, c’est fini pour lui.

 


Ce qui se dresse devant nous est par contre totalement nouveau, l’Hannuma la, un mur de mille mètres droit comme Goliath, mais je ne me sens vraiment pas l’âme d’un David. Heureux d’être arrivés sains d’ampoules et d’esprit, nous délirerons toute la soirée au thé shop dans les vapeurs d’alcools et les éclats de la lune si fluide que les montagnes blanchies qui nous entourent portent ombres à minuit ; Sommeil lourd et réveil pâteux, 1 litre de rhum à deux, nous avons vraiment mal choisi notre jour, l’Hannuma la baby!

Je battrai un record, aucun homme avant moi ne serra monté plus lentement. Quatre heures pour atteindre le sommet sous les encouragements de mon patient compagnon. Le plus dur, et cette certitude, de découvrir, de l’autre coté, et bien… rien ; Une petite vallée aride et pierreuse longue et sans aucun intérêt. La beauté se repose.

Nous continuerons notre chemin sans embûches dans ces paysages magnifiques, toujours nourris au riz pissenlits jusqu’au passage du 7ème et dernier col. Les difficultés sont finies, plus que deux jours de marche relativement plate le long de la rivière Zanskar. Nous fêtons cela en ouvrant une boite de sardines que mon coéquipier se trimbale depuis l’Afrique du sud ; Quelques bières, la musique indienne résonne dans la petite cabane en pierres qui forme le thé shop. Juste le temps d’y passer la tête que tout le corps est pris dans une danse endiablée avec le tenancier. Vite rejoint par les suissesses, guides et horse-man de différents groupes, une nuit à tanguer dans la fumée des clopes, les gorges déployées dans les flots d’alcools ; Corps contre corps, face à face ou en groupe furieux, notre cabane a des allures de bateau ivre babylonien.

La fin du trek est monotone; Au village de Zangla nous rattrapons la route qui conduit à notre destination, Padum, la capitale du Zanskar. Il ne serra pas dur d’y faire du stop, de nombreux bus bondés s’y rendent justement; La chance nous sourit. Au matin, nous avons vu un hélicoptère passer, le Dalai Lama vient d’arriver pour trois jours de conférence publique. Nous effectuerons donc les derniers kilomètres sur le toit allongé sur nos bagages.

Notre arrivée est quelques peu déconcertante, habitués que nous étions à la solitude et au silence; Les rues de Padum, à l’atmosphère de Far Ouest , sont noires de monde, tout le Zanskar s’y est donné rendez-vous.
La présence du Dalai Lama les transportent, les sourires font briller les faces autant que les yeux pétillants. C’est l’évènement annuel, et un des rares moments de réjouissance, et nous tombons à l’improviste en plein milieu.
Il nous serra difficile de suivre son enseignement tant la traduction anglaise serra de mauvaise qualité, mais nous profiterons à plein de l’ambiance de fête, vêtements et parures traditionnels, repas collectifs. Je retrouve à cette occasion des copains Belges et Italiens rencontré à Leh.

Debout entassés à l’arrière d une jeep, nous rejoignons le petit village de Sani où doit se tenir un festival bouddhiste. Benoît, l’ami Belge nous accompagne.
Il n’y a pas de home-stay mais nous trouvons refuge chez l’habitant. Notre jeune hôte se révélera quelque peu étrange, sans doute le sommes nous tout autant pour lui. Cela donnera lieu à des situations cocasses. Caché à l’extérieur, il lancera quelques bouses de vaches sèches par notre fenêtre ouverte ; Puis feignant la surprise, viendra nous les mettre sous le nez en nous accusant de ne pas nous déplacer jusqu’ aux toilettes. Un exemple parmi d’autre de cette étrange cohabitation de deux jours qui finira tout de même (sans doute à la vue des billets de banque), par s’apaiser.

 


Nous ne verrons finalement pas le festival ; Celui-ci a été décalé a cause de la présence du Dalai Lama, et les copines Suisses nous offrent des places dans leur jeep pour les deux jours de route vers Leh. Cela ne se refuse pas ; Nous pensions rentrer en stop et nous nous retrouvons confortablement installés en charmante compagnie.
Une journée sublime juste qu’à Kargil, ville musulmane à mi chemin entre Srinagar et Leh, et me voilà sur la fameuse route (comme d’ailleurs l’ensemble du Cachemire), que nos sombres saints du ministère des affaires étrangères recommandent si vivement d’éviter.

Depuis deux jours à Leh, je fais le tour de la ville pour dire adieu à mes amis. La petite serveuse du Lala’s café (petit café traditionnel de la vieille ville qui sert les meilleurs espresso de la région) aux plus beaux yeux noirs du Ladakh qui me demandait souvent de garder la boutique quand elle partait déjeuner.


Les loueurs de moto cachemiri qui auront progressivement ouvert une boutique, un bar, un restau, un dancing dans leur petite cour durant mon séjour et qui comptaient sur moi pour organiser une fête avec toutes les Israélienne de la ville.
À Mansour, le patron de l’agence Virgo, et Laurent, le guide français retraité qui y bosse bénévolement. Comme le bouche à oreille est la meilleure garantie pour attirer le client et que j’ai tendance à parler avec à peu prés tout le monde, nous nous sommes mutuellement rendu services. Eux me prêtant du matériel et m’offrant le trek du Tso Moriri à moitié prix, moi en m’amusant au travail de rabatteur. Nous n’avons jamais eu à discuter de cela, ça c’est fait tout simplement.
Laurent est quant à lui un ancien alpiniste bougon amoureux de la région où il vit 6 mois par an.
Adieu Seb, compagnon de fortune Québécois parti seul ce matin attaquer quatre jours d’ascension d’un 6000 malgré le mauvais temps.

Je prends demain à l’aube un bus pour Manali, deux jours de route mythique, sublime et dangereuse, l’une des plus belle du monde avec au passage le 2e col carrossable le plus haut. Eva, jeune Allemande dont la moue et l’accent français me rendent complètement fou m’accompagne en Himachal Pradesh malgré chaleur et mousson qui nous attendent.

Adieu Ladakh, je t’aime, bonjour Himachal, nouvel azur, amoureux déjà, sans te connaître, du vert, du vert partout…

L’Himachal Pradesh 

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Deux jours de route en haute altitude entre plats déserts poussiéreux, cols gelés et canyons. Pas la plus haute donc, mais certainement la plus longue, et à l’approche de Kilong, ville étape à la limite du Zanskar, nous basculons soudainement dans le vert. Les montagnes sont toujours aussi vertigineuses mais le roc fait place à de verticaux murs végétaux aux vapeurs canabistiques.

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Aux infinies nuances de verdure qui nous entoure, s’ajoute comme témoin du passage en himachal Pradesh, sur la piste défoncée, la boue et les effets de la mousson.
Je me retrouve pour la première fois depuis bien longtemps à 2000 mètres; Les montagnes ne sont pas assez hautes pour barrer l’accès aux nuages gorgés d’eau. L’atmosphère est moite et la brume rampante enveloppe les vallées.
Mon amie Allemande peine à contenir ses nerfs; Le car tangue dangereusement dans chaque virage boueux, la piste n’est pas large et à chaque croisement les roues se portent sur le bas coté instable et partiellement effondré qui borde le vide. Les nombreuses carcasses de camions se détachant de la brume au fond des vallées n’aident en rien à la rassurer. Une panne moteur et la boite de vitesse démontée, l’absence d’incident aurait été anormal.

Nous fuyons dès notre arrivée la touristique Manali pour trouver refuge dans un petit village dans les collines environnantes. Quelques amis rencontrés dans le bus nous accompagnent.

L’himachal Pradesh est une terre à canabis et à pavot, ceux-ci poussant comme de la mauvaise herbe dont personne ne cherche a se débarrasser et qui envahie tout le marché indien jusqu’à Goa. Cette région attire donc des défoncés de toute la planète dans les fêtes transes ou les bars à ganja, venus consommer pour presque rien et à l’abri de toute répression, tant qu’ils ne se livrent pas au trafic.
Le décalage avec le Ladakh est saisissant, je beigne dans l’ambiance grouillante et sale d’une ville hindouiste, les temples plus ou moins kitch dédiés aux innombrables divinités (aux aires de château d’Euro Disney et de train fantôme), Les escaliers que l’on grimpe par la gueule béante d’un lion, les dieux en carton pâte, les lumières d’ambiance clignotantes devant d’étranges créatures dans des passage que l’on empreinte presque en rampant (pour mieux se prosterné devant l’un des 36 million de dieux du panthéon Indien). La fourmilière du bazar, la musique dans chaque coin de rue, les vendeurs harcelants comme les moustiques la nuit, les enfants mendiants collant comme l’humidité.

Dans notre petit village, l’ambiance est plus paisible et nous arrivons au coeur d’un festival honorant la fin du mois de Shiva (sans doute le dieu le plus populaire, surtout dans la région car celui-ci, contrairement aux préceptes de l’hindouisme, à l’image de ses paradoxes, est un important consommateur de shilom). Chaque soir nous nous joignons aux dîners collectifs offert par les prêtres de Shiva. Assis par terre au milieu des indiens et de leur musique, les saveurs s’enchaînent et se mélangent, seul problème, je n’ai pas forcément eu l’occasion de me laver les mains. Mais contrairement à ce que je redoutais avant de partir, j’aurai apprécié au cours de ces 7 mois les quelques occasions qui me furent données de manger avec mes doigts, perfectionnant ma technique et y ressentant un autre rapport à la nourriture par le toucher.

Humer l’odeur d’une rosée allongé dans la fraîcheur des herbes, sensations si longtemps attendue ; Flâner dans les fleurs en ballade une après midi dans ces murs de verdures, nous rencontrons en chemin une des innombrables immenses cascades qui les dévalent. En remontant le courant de chutes en roches, nous nous collons à certaines pour nous retrouver de l’autre côté de l’eau. Je découvre pour la première fois cet état génial, coupé du monde par un mur de liquide puissant que seul la lumière perce.

Apres deux jours, nous louons trois Enfeld et partons à quatre vers la profonde Parvati vallée. Une journée de route sous la mousson. Il ne pleut pas tout les jours, mais quand elle arrive, c’est à grosses gouttes.
Les pauses ni feront rien, nous sommes complètement trempés.
Les villages qui bordent la route sont investis par des colonies d’Israéliens venu en groupe se défoncer à la fin de leur service militaire. Les shiloms tournent de table en table dans les cafés saturés de musique transe ou les menus sont écrits exclusivement en hébreu.
À Manali, j’ai vu des touristes indiens suivrent deux israéliennes à moitié nu en les filmant accompagnés de commentaires bruyants. Aussi étrange soit cette scène, que penser de celle où une mamie prie devant les marches d’un temple où est assise une petite défoncée et vêtue de trois centimètres de tissus. Pourquoi devrais-je dire que j’ai rencontré au cours de ce voyage quelques Israéliens très sympathiques voyageant en solitaires. Il en est de même pour toutes les nationalités, aussi insolites soit-elles. Je me demande seulement, devant ceux en groupe et leur t-shirt « free Tibet », si je reviens un jours par ici, quel effet je ferrai avec le mien « free Palestine ».
Nous rejoignons le petit village de Toch (ça s’invente pas). Fin de la piste encore « praticable », couvert de boue après des passages dans les derniers kilomètres comparables au plus durs du Ladakh.
Peu de temps avant notre arrivée, alors que nous cherchons notre route soumis à ce trait culturel généreux indien qui se doit de répondre à nos questions quitte à nous envoyer n’importe où (je recoupe toutes mes informations trois fois), l’un de mes compagnons chute lourdement; Il peine à se relever et nous pensons tout d’abord à un pied cassé. Après auscultation de notre amie allemande médecin, et un peu de temps, le diagnostic, quoique aléatoire, est un peu plus rassurant ; Sans doute une petite fêlure. À par ça, pas d’incident majeur, nous sommes juste crevés et transits ; Nous decrouvrirons qu’ici rien ne sèche, soumis que nous sommes à l’humidité collante aux sacs comme à la peau.

Après une courte nuit, je pars seul pour une petite randonnée en direction de sources chaudes isolées. En quittant le village à moto (j’ai qu’un ou deux kilomètres à parcourir avant de commencer à pied), je heurte une pierre cachée dans un passage boueux et casse ma pédale de frein arrière. Je dois donc descendre en dérapage permanent ce chemin délicat et pentu avec le seul frein avant. Je laisse ma moto et entame ma longue montée de 1000 mètres vers les sources en compagnies d’un local qui s’y rend également. Les quelques groupes d’israéliens rencontrés en chemin sont avec guides et porteurs.
Chemin ardu et par endroits périlleux le long de gorges ou à travers bois et champs de canabis. Etrange bruits dans les buissons, chants tellement assourdissant de grillons qu’il en devient presque inquiétant; Le petit village de guest en broc qui entoure les sources est hallucinant. Autour des quelques touristes israéliens, shadous indiens et babas perchés de toutes nationalités y ont pris racines dans la fumée des pipes, la ronde des shiloms et la musique psychédélique.

 


Sur le chemin du retour, je passe mon temps à attendre mon compagnon, je le suspecte de traîner des pieds pour que nous arrivions à la nuit et que je prenne une chambre dans sa guest; Depuis mon arrivée en Himachal, je sens que ma relation au locaux n’est pas aussi simple qu’au Ladakh.
Arrivé à la tombée du jour, j’enfourche à toute vitesse ma bécane et décolle. Dans une montée, la moto soudain s’arrête, plus de lumière, plus de courant ; J’en fais le tour dans la semi obscurité, ma batterie est tombée, fils arrachés. Il fait maintenant nuit noire, je n’ai pas pensé à prendre ma lampe avant de partir, je soupçonnais les sources moins loin. J’abandonne donc l’engin péniblement garé sur le bord du chemin. 3/4 d heure de marche à tâtons jusqu’au village, c’est toujours dans ces moments-là qu’on se rappelle que la région est infestée d’ours et que seul ainsi dans l’obscurité on apparaît comme une proie facile.
Après avoir perdu une demie heure en compagnie d’un conducteur de jeep qui attendait ses clients et qui s’est révélé incapable de m’aider (les indiens ne savent pas dire non), je pars à la recherche d’un mécanicien à travers le village. Je me ramènerai vite à l’évidence : personne ne peut m’aider, et les quelques personnes susceptibles sont de toute façon à cette heure là trop défoncées.
Il me faut maintenant retrouver le chemin de ma guest dans le noir dédale des ruelles, et les indiens me la font à l’indienne, m’envoyant systématiquement dans la mauvaise direction même quand je ne suis plus qu’à dix mètres. Je m’adresse à quelques maisons de locaux et découvre avec effroi dans leur regard dur et inquiet que je ne suis absolument pas le bienvenu ; Les femmes qui m’entrouvrent prêtes à lâcher les chiens, les plus téméraires avançant vers moi faisant du bras de grand gestes ou des moulinets menacent. Quel décalage après l’expérience de l’hospitalité Népalaise et Ladakhi. La plupart des étrangers venant dans la vallée pour se défoncer au mépris des populations locales y vivant depuis toujours paisiblement, ramenant derrières eux des trafics de tout genre.
Enfin posé à ma guest, je raconte mes mésaventures aux binômes d’israéliens et locaux présents. L’on me tend le shilom (ce mixe entre une pipe et un bang se fume à la ronde comme un calumet). Je refuse, on insiste, je refuse encore; Le gars me dit « Tu ne fumes pas ? Mais qu’est ce que tu viens foutre dans cette vallée ».
Au matin, j’appelle une jeep pour y charger péniblement la lourde moto et me rendre au premier village muni d’un garage où j’espère y retrouver mes amis partis la veille, je n’ai plus un rond pour payer la jeep (la caution déposée au loueur s’étant révélé beaucoup plus chère que prévu). Par chance, je tombe sur eux en plein tournage comme figurant de scène d’un film de Bollywood ; La gratification payera la jeep et le prix des réparations.

 


La batterie est vite remontée mais je roulerai encore plusieurs kilomètres au pas avant de pouvoir faire remplacer ma pédale de frein. Arrivée à la tombée du jour, ma moto s’arrête deux mètres avant le loueur, plus d’essence !

Je quitte Manali sans regret pour me rendre au petit village de Bir non loin de Daramsala, place mondialement connu pour le parapente; Je suis fatigué des treks et souhaite m’initier à ce sport peu contraignant physiquement, et quitte à planer…
Le bus me lâche au milieu de nulle part et j’entame une longue montée sous une chaleur moite étouffante en direction du bled. Je redécouvre la désagréable transpiration abondante après mes trois mois au sec dans de désert.
Bir n’a aucun charme et ses habitants peu accueillants; Certain me demandent mon permis spécial (jamais entendu parler de ça), . D’autre m’accueillent volontiers dans leur obscure demeure mais pour des prix exorbitant. Après renseignements, toutes les agences de parapente sont fermées, ce n’est pas la saison, personne ne vole. Je décampe en vitesse et après trois bus, arrive au soir à Daramsala (siège du gouvernement tibétain en exil) où je retrouve à son grand étonnement l’amie Allemande laissée dans le premier bus. Puis encore un jusqu’à Macleod Ganj, village où réside le Dalai-Lama. Bar reggae, transe party, ronds de fumée, c’est pas Manali mais encore l’Himachal.

Je suis parti hier matin pour un petit trek de deux jours aller-retour entre champs de roches et de rhododendrons en direction d’un glacier à 3600 mètres. Nouveau défi pour mon corps, 2000 mètres de dénivelé sous cette chaleur tropicale enveloppée d’une brume intense. Est-ce les effets des globules rouges développés au Ladakh, je me sens particulièrement en forme et m’offre le luxe de doubler des locaux.

 


Je laisse mon sac dans la rudimentaire cabane-café ou je passerai la nuit et pars en direction du glacier. Il n y a pas vraiment de chemin et j’avance au jugé quand le brouillard s’intensifie au point de me rendre incapable de retourner sur mes traces. Il est plus sage de renoncer, la montagne est toujours la plus forte.
J’aurai le temps en me dépêchant de rentrer à Macleod, mais je sais par expérience que le temps s’éclaircit à l’aube comme au crépuscule. Aux environs de 19 h, la brume se dissipe, s’ouvrant sur un soleil dilaté portant un voile orangé sur les montagnes dont les aspérités crachent puis avalent alternativement des nuées vaporeuses vers un ciel d’apocalypse. Ce n’est pas la fin du monde, mais quand le temps s’arrête, les dieux sont proches.
Allongés dans notre cabane café, il est aux environ de 10 h quand un homme surgit tenant sous le bras ce que l’éclat de notre bougie révèle comme la tête sanguinolente d’une brebis. Cet ami berger du jeune tenancier apporte un extra pour le dîner, cerveau de brebis : un léopard des neiges a emporté le reste.

Kangra

La mousson s’abat depuis trois jours sur l’Himachal, je souhaite quitter la région et pars en bus vers la ville de Kangra pour y prendre un petit train serpentant dans la montagne jusqu’à Amritsar au Pendjab.

A kangra, j’apprends que le train ne roule pas à cause d’un effondrement de terrain, événement fréquent en période de mousson. Je pars donc en bus mais en profite avant pour visiter un vieux fort aux allures de palais de Maharadjah. 

Ce fort est à l’extérieur de la ville, partiellement gagné par la dense végétation; Il est un refuge idéal pour les jeunes couples qui viennent y chercher un moment d’intimité à l’abri des regards. Regards langoureux, douces paroles chuchotées à l’oreille, frôlement des doigts, ce lieu sent bon l’insouciant amour. La réalité est quelque peu plus complexe. Comme au Népal, les jeunes indiens subissent une pression sociale forte. Les mariages inter caste sont encore la règle, et les gestes de tendresse ou les simples contacts physiques, comme se tenir la main (sauf entre deux hommes ou femmes amis, la chose est fréquente) sont proscrits. Il y a peu ou pas d’éducation sexuelle, des femmes apprennent douloureusement lors de leur nuit de noces; Les premières expériences sexuelle des garçons sont souvent homosexuelles.

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Le pendjab  (Amritsar,Chandigarh)

Je prendrai finalement un autre train un peu plus loin pour rejoindre Amritsar au Pendjab, ville sainte pour les sikhs qui habitent cette région frontalière du Pakistan. Qui n’y a pas voyagé en train ne connaît pas l’Inde tant l’expérience y est sensorielle et corporelle. Se mêlent dans un joyeux bazar, saris multicolores, enfants mendiants et vendeurs ambulants de toutes sortes.

Les indiens ne font jamais la queue, il faut donc jouer des coudes et s’imposer sans ménagement pour accéder au guichet où un type qui ne parle pas anglais vous vend un ticket pour un train qui est deja parti. Inutile de chercher sa place, elle est déjà prise par quelqu’un qui aura participé à la prise d’assaut des wagons. Je m’assoies donc par terre entre deux compartiments et suis vite encerclé par de jeunes Sikhs très sympathiques qui me harcèlent de questions malgré mes écouteurs et mon bouquin. ‘Comment tu t’appelles ? D’où tu viens ? Quelle est ta religion ? T’as quel âge ? » « 28 ans ». « Ah, donc t’as combien d’enfants ? » « Quoi? Tu n’as ni portable ni facebook, mais pourtant tu viens de France, et comment on reste en contact, tu es mon meilleur ami ». Ils m’enlacent par l’épaule de longues minutes puis à tour de rôle, se prennent en photos avec moi. J’ai le sentiment que tout le compartiment défile. Ces jeunes très envahissant sont juste curieux et heureux d’échanger avec moi ; Je prends cette scène avec humour et y porte un regard décalé d’étranger sans quoi je l’aurais sans doute mal vécue.

Si l’Inde rend fou certains occidentaux, c’est que le décalage culturel comme les us et coutumes crée une étrangeté quotidienne  extrêmement violente pour le novice qui vient faire basculer les repères identitaires dans le chaos. C’est la somme de ces petites choses, si elles ne sont pas analysées avec beaucoup de recul qui peut rendre insupportable un voyage dans ce pays. J’ai rencontré un grand nombre d’occidentaux complètement déboussolés, n’arrivant plus à s’acheter à manger, à se projeter, voir pour les plus lucide, à chercher à fuir le pays au plus vite.

Arriver par le Ladakh à cet avantage d’atterir en douceur dans la mentalité bouddhiste, bien moins dérangeante pour nous que le fonctionnement de la société hindouiste.

J’arrive dans la nuit à Amritsar. Un rickshaw (moto taxi) me propose de me conduire à la guest house qu’un ami m’a conseillé pour 20 roupies; Une course coûte habituellement entre 40 et 50, c’est louche mais j’accepte. La guest house est complète et le chauffeur le sait bien car il me demande maintenant 150 roupies pour me conduire à une autre; Il n’y a pas d’autre rickshaw dans le quartier, la méthode est bien rodé. Je négocie cependant avec le tenancier pour rester et dormir dans un coin de la salle commune.

Le lendemain, je passe la journée et la nuit dans Le lieu saint des Siks, le Temple d’Or. On peut y boire, y manger et y dormir gratuitement. On peut aussi, quelque soit son origine et sa religion, proposer ses services pour aider au repas ou à la vaisselle.

Les siks sont des personnes très chaleureuses et honnêtes (à quelques exception près). Ils se montrent souvent curieux de nous rencontrer mais de manière plus distante et beaucoup moins intrusive que les hindouistes. Cette journée serra ponctuée de rencontres magnifiques et de discutions étonnantes ; Quand je révèle à deux adolescents que dans mon pays j’ai eu différente relations amoureuses sans être marié, il n’en reviennent pas et me disent vouloir prier intensément pour qu’un jour, l’Inde ressemble à la France.

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Je prends de nouveau le train pour me rendre à Chandigarh, capitale commune du Pendjab et de l’Haryana, les deux régions ayant fait sécessions.

Je souhaite m’y rendre car cette ville étonnante a été construite entièrement après la guerre avec le Pakistan sur décision de Néru par l’architecte Le Corbusier. Elle se révélera un hama de blocs de bétons et de quartiers carrés sans charme ni vie, à l’opposé des bouillonnantes cités hindouistes.

 

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Seule consolation, la visite du Rock fantasy garden, un jardin entièrement construit par l’artiste Nek Chand Saini avec du matériel de récupération ramassé dans les déchets produits par la ville. Sa visite deviendra d’autant plus intéressante quand je découvrirai la partie du jardin à l’abandon et fermée au public. Je mis ferai cependant chasser par le gardien des lieux, un babouin  aux crocs assérés, furieux de ma présence sur son territoire, qui me prendra en chasse. Ma plus grande frayeur de ces sept mois de voyage.

Delhi

L Inde est indescriptible. C’est davantage un ensemble de sensations, d’odeurs, d’atmosphères qui nous nous enveloppent, nous transporte et nous place tel un doux fou rêveur au réveil face à son rêve.

Delhi, capitale bouillonnante et saturée symbole de ce pays fou, on l’aime ou on la déteste, et avec elle le peuple indien, pas de demis mesure, l’Inde au corps !
Main bazar, rue principale du quartier de Pahar ganj. Entouré de petites ruelles tortueuses où les lames des barbiers ne servent pas qu’à raser, je filtre intérieurement tout en étant hyper présent. Double état sans lequel je resterai prostré dans ma chambre d hôtel.

 


Delhi, pas de respiration, pas de point ! Cette ville s’écrit à l’infini :
Tu marches, le bruit des klaxons est continu, le silence comme le ciel bleu sont des concepts, aucun habitant de Delhi n’en a fait l’expérience. Voitures, rickshaw, vaches, tuktuk, et moto te frôlent, contrairement aux corps des passants qui eux se bousculent mélangent haleines et sueurs ruisselantes jusqu’aux flaques de boues, de déchets et de pisses qui jonchent le sol ou lits d’ordures où se prélassent des enfants loqueteux défoncés, qui quand ils ne le sont pas encore te suivent ou plutôt te harcèlent, dur métier à la technique d’exaspération du touriste bien rodé, jusqu’à se suspendre à ton bras, quand il te lâche, tu fais face a une vieille édentée, un homme sans jambe marchant sur des mains enroulées dans des sacs plastiques, une jeune femme au corps difforme. Les conducteurs de tuktuk t’interpellent en permanence, roulant parfois une vingtaine de mètres à tes cotés semblant comprendre ton non comme un oui, chaque vendeur posté au seuil de sa boutique t’invite à entrer, chaque vendeur de clopes, de biri, de medoc périmé, de soda ou d’alcools frelatés te demande comment ça va et d’où tu viens « mon ami » avant de t’embrouiller, un indien en chemise te demande de poser avec lui en photo, voir de lui filer ton numéro de portable, les odeurs des bouis-bouis te tournent la tête, la street food a 5 roupettes t’ouvre l’appétit, tu t’arrêtes pour un beignet de pomme de terre bien épicé, ta gorge en feu fusionne dans la vapeur des bouches d’aération, un type te propose du charas (de l’herbe), de l’opium, de l’héro, il commence à pleuvoir des gouttes grosses comme un oeuf de mousson, trois mètres jusqu’au premier porche, déjà trempé à l’os le sadhou qui s’y tient t’agite sa coupelle de donation sous le nez, les chiens courrent après les voitures, ça fait deux minutes que t’es sorti, t’as fait 30 mètres.

Après réflexion, je pense que le bouddha n’est pas tant celui qui contrôle sa colère, que celui qui est toujours a sa place ; faculté d’adaptation permanente à la nouveauté, même en immersion dans l’étrange et l’inconnu. La colère n’a donc plus de raison de prendre le pas sur la maîtrise de soi puisque rien ne l’étonne.

A Delhi je retrouve Adrien, un jeune circassien rencontré à Manali. Je passerai ma dernière semaine en Inde entre errer avec lui d’une ruelle et donc d’une rencontre à l’autre, et la visite de quelques monuments prestigieux.

La grande mosquée:

Le fort rouge:

Le tombeau d’Humayun:

Si l’expérience du train est riche celle du métro au heures de pointe est extrêmement éprouvante.

Peut être est il possible de penser le degré de civilisation d’une société à sa manière de se comporter dans le métro.

Celui de Delhi est flambant neuf, rapide et bien pratique. Mais aux heures de grande affluence, il se transforme en enfer. Il y a quelque chose de la survivance, du toi ou moi, dans la cohue indescriptible  qui se forme sur les quais et qui risque de dégénérer en émeute à chaque passage de rame. Je me souvenais de celui de Mexico. Les gens se bousculaient, fonçaient dans le tas   des passagers compact pour se glisser dans le wagon. C’était éprouvant, mais aussi curieux pour nous soit il, les usagers gardaient leurs bonnes humeurs, semblaient s’en amuser (culture du catch, Lucha libre, sport national au Mexique). 

A Delhi, ces bousculades n’ont rien d’un jeu, elles s’accompagnent d’ailleurs de bagarres plus ou moins violentes entre les passagers tentant d’entrer et de sortir de la rame. La frénésie collective peut vite se transformer en lynchage d’un individu auquel les touristes n’échappent pas. Dans tout les cas, des mains se glissent dans nos poches ou se baladent impudiquement s’il s’agit d’une femme occidentale. Pas étonnant qu’il y ai des compartiments strictement réservés aux femmes.

Mon dernier soir à Delhi avant le retour. 

Adrien a sympathisé avec un magicien reconnu en Inde; Celui ci nous invite chez lui dans sa modeste demeure. Il a une commende de spectacle privé dans un hôtel pour de « riche français expat » et tient à ce qu’on l’accompagne. Il nous assure que nous sommes les bienvenue et que nos tenues de baroudeurs ne seront pas un problème, nous serons entre français et il est très fier que nous soyons avec lui.

En arrivant, nous découvrons un autre Delhi; Hôtel luxueux, jardin à la française, il y a même des poubelles. L’organisatrice de la soirée vient à notre rencontre; En nous apercevant, son langage diplomatique a du mal à cacher son expression déconfite. Elle travaille à l’ambassade de France et organise cet événement pour le personnel et l’ambassadeur. « Voyez, c’est ce monde, et moi même, j’en suis. » Nous sommes priés gentiment de rester au parking. 

Après le spectacle, notre ami magicien ne sait plus ou se mettre, coutumier du système des castes qu’il subit (les artistes de rues sont de basse caste), il vient de faire l’expérience de celui des classes sociales. 

Il tient absolument à nous offrir quelque chose et nous achète des glaces. Je n’en ai jamais mangé en sept mois pour me protéger de la tourista à laquelle je suis parvenu à échapper. Mais là je ne peux refuser.

Elle se déclarera le lendemain, dans l’avion du retour.

Une réflexion sur “Inde du Nord, 2e partie; O-vert-dose

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